LES FONDEMENTS DE L'ETHIQUE SPIRITE

"Tout est permis, mais tout ne convient pas ; Tout est permis, mais tout n'édifie pas." (Paul, Première épître aux Corinthiens, 10:23).

"Croire ne suffit plus aujourd'hui ; on veut savoir. Aucune conception philosophique ou morale n'a chance de succès si elle ne s'appuie sur une démonstration à la fois logique, mathématique et positive et si, en outre, elle n'est couronnée par une sanction qui satisfasse tous nos instincts de justice." (Léon Denis, Le Problème de l'Etre et de la Destinée.)

1 INTRODUCTION

"Pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux, ainsi le veut la clarté du langage." C'est la première phrase du Livre des Esprits d'Allan Kardec. Il a tenu à préciser d'emblée la nuance entre les mots spirituel, spiritualiste, spiritualisme, qui ont une acception bien définie, et les mots spirite, spiritisme. "Le spiritualisme est l'opposé du matérialisme ; quiconque croit avoir en soi autre chose que la matière est spiritualiste ; mais il ne s'ensuit pas qu'il croie à l'existence des Esprits ou à leurs communications avec le monde visible. Au lieu des mots spirituel, spiritualisme, nous employons pour désigner cette dernière croyance ceux de spirite et de spiritisme." Ces termes sont donc des néologismes, c'est-à-dire des mots créés et définis par Allan Kardec.

Un spirite est donc spiritualiste, puisqu'il a la certitude expérimentale de l'existence des esprits, qui ne sont autres que les âmes des humains en transition entre le tombeau et le berceau. Quelles sont les bases des convictions spiritualistes du spirite, quelles sont les conséquences du Spiritisme sur le plan de l'éthique, c'est ce que nous allons tenter de développer dans cet exposé.

2 DEBUTS DU SPIRITISME

Comme nous l'avons vu dans un exposé précédent sur les liens entre le Spiritisme et la Science, les phénomènes qui se sont produits, à partir de 1847, dans la maison de la famille Fox, à Hydesville dans l'Etat de New York, sont à l'origine de la multiplication du phénomène des tables tournantes vers 1850, de l'écriture, et d'autres phénomènes médiumniques.

Ces phénomènes ont d'abord soulevé beaucoup d'incrédulité, mais la multiplicité des expériences a permis aux personnes de bonne foi, sans idées préconçues, et sincèrement désireuses de s'instruire, de les observer, de les étudier sérieusement et d'écarter rapidement l'hypothèse de fraudes.

Parmi eux figure Hippolyte Rivail, qui plus tard allait adopter le pseudonyme d'Allan Kardec. Né à Lyon en 1804, il a étudié à Yverdon, en Suisse, dans l'institut d'Henri Pestalozzi. Rivail a commencé sa carrière comme professeur de lettres et de sciences. Excellent pédagogue, il a publié divers livres didactiques et a contribué à la réforme de l'enseignement français.

Analysant non seulement l'aspect externe des phénomènes, mais aussi la teneur très cohérente des meilleures communications reçues, il a appliqué le principe de causalité : les effets intelligents doivent avoir une cause intelligente. Cette cause intelligente s'est elle-même défini comme étant l'esprit, ou principe intelligent des êtres humains, survivant à la mort qui n'est que la destruction du corps physique. Mais "le Spiritisme n'a conclu à l'existence des Esprits que lorsque cette existence est ressortie avec évidence de l'observation des faits et aussi des autres principes."1

Il a constaté que certains Esprits possèdent un niveau intellectuel et moral bien au-dessus de la moyenne terrestre, qu'ils "s'expriment sans allégorie, et donnent aux choses un sens clair et précis qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation."2 De plus, leurs enseignements logiques clarifient, confirment et sanctionnent par des preuves le texte des écritures sacrées et des notions philosophiques parfois très anciennes. Les phénomènes étant naturels et universels, ils remontent à la nuit des temps.

Le Livre des Esprits est le résultat d'un travail d'observation et d'analyse méthodique de nombreux messages, passés au crible de la raison et du bon sens. Ce livre contient "les principes de la doctrine spirite sur l'immortalité de l'âme, la nature des esprits et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l'avenir de l'humanité, selon l'enseignement donné par les esprits supérieurs."

La Doctrine Spirite n'est donc pas une conception personnelle d'Allan Kardec, qui n'est ni "fondateur" ni "pape" du Spiritisme, mais "Codificateur de la Doctrine Spirite".

Il faudrait plusieurs pages pour donner une liste complète de tous les intellectuels qui se sont penchés sur les relations entre les vivants et ce que l'on appelle les morts. Nous nous limiterons à en citer quelques-uns.

Alfred Russel Wallace, collaborateur de Charles Darwin, a affirmé en 1874 : "Les faits sont des choses opiniâtres, dont on ne peut se débarrasser selon son bon vouloir. Il n'est pas exagéré d'affirmer que les faits principaux sont aujourd'hui aussi bien caractérisés et aussi facilement vérifiables que tout autre phénomène exceptionnel de la Nature non encore réduit à une loi."

William Crookes, illustre chimiste et physicien, a obtenu la matérialisation complète de l'esprit de Katie King. Il a affirmé, à l'académie de Londres : "Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est." Plus tard, il a découvert le Thallium, inventé le tube de Crookes ayant conduit à la découverte de l'électron, des rayons X et du tube cathodique...

Le Docteur Gustave Geley, professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, a étudié l'ectoplasme et les matérialisations. Il a obtenu des moulages de cire, impossibles à reproduire par un autre procédé, qui sont toujours conservés à l'Institut Métapsychique International à Paris.

Charles Richet, professeur de la Faculté de Médecine de Paris, prix Nobel de physiologie et auteur du "Traité de Métapsychique", a participé à de nombreuses expériences, en particulier avec le médium Eusapia Paladino, et aussi en 1898, avec Camille Flammarion, astronome français, et le Colonel Albert de Rochas, diplômé et administrateur de l'école Polytechnique.

Camille Flammarion a longtemps étudié et vulgarisé les phénomènes spirites. Il affirme : "Je n'hésite pas à dire que celui qui déclare les phénomènes spirites contraires à la science, ne sait pas de quoi il parle. En effet, dans la nature, il n'y a rien de surnaturel ; il y a de l'inconnu, mais l'inconnu d'hier devient la réalité de demain."

Gabriel Delanne, ingénieur admis à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures, a étudié sans relâche les phénomènes entre 1874 et 1926. Il mérite une place d'honneur par son impressionnante bibliographie de huit ouvrages très précis et détaillés sur le Spiritisme scientifique et expérimental.

Léon Denis, orateur "hors pair" et grand studieux de la phénoménologie, a considérablement développé les conséquences du Spiritisme sur le plan philosophique et éthique.

3 CARACTERISTIQUES DU SPIRITISME

Beaucoup de personnes n'ont vu dans les phénomènes Spirites qu'un objet de distraction ou de curiosité. Elles en ont d'ailleurs rapidement trouvé d'autres. Mais qu'en est-il aujourd'hui de toutes les recherches intenses d'il y a à peine un siècle ?

Au XX° siècle, le Spiritisme a connu un développement important au Brésil, où plus d'une dizaine de millions de Spirites fréquentent plus de 7000 associations. Les Spirites appartiennent à toutes les classes sociales, des plus modestes aux plus intellectuelles. Il y a des associations spirites dans les favelas, dans les milieux ouvriers, dans les universités, parmi les médecins, psychologues, psychiatres, professionnels de la communication, philosophes, militaires, etc.. De nombreux ouvrages complémentaires, couvrant tous les aspects de recherche et les applications de la doctrine spirite, y sont publiés. Cette nation jeune, bénéficiant de l'association de nombreuses cultures occidentales et africaines, a été un terrain propice pour le développement de la Doctrine Spirite codifiée en France par Allan Kardec. Les spirites brésiliens mènent depuis longtemps une action admirable et reconnue dans le domaine social. La mise en pratique des conséquences de la Doctrine est une base de leur crédibilité et un facteur essentiel de leur succès.

Par contre, le Spiritisme a connu un développement plus lent dans les pays occidentaux et industrialisés. Les traditions religieuses y sont plus fortes, et elles évoluent lentement, alors que le progrès des sciences a été très rapide. Il en a résulté un éloignement entre la science et la religion, et aujourd'hui encore, l'une est souvent tabou chez l'autre, chacune croyant détenir la vérité.

Cette tendance n'a pas épargné le Mouvement Spirite, dont certains adeptes, ne s'attachant qu'à la phénoménologie, se sont distanciés de l'aspect religieux et éthique du Spiritisme. Ils trouvent la position d'Allan Kardec obsolète ou démodée.

Dans le chapitre II du "Traité de Métapsychique" datant de 1923, Charles Richet qui, comme nous l'avons vu, a participé à de nombreuses expériences spirites, reproche aux Spirites d'être des rêveurs en allant au-delà de la simple observation des phénomènes. Il déclare, pour sa part, que "aller plus loin ne m'intéresse pas", et c'est son droit.

Plus tard, d'autres mouvements parapsychologiques ont suivi la même position. Ils étudient en partie les mêmes phénomènes que le Spiritisme, et certainement avec autant de rigueur pour leur aspect tangible, mais ils ne se sont pas développés beaucoup à cause de faiblesses dont voici quelques exemples3 :

Kardec a traité les thèmes spirituels avec la raison que l'on applique aux questions matérielles. Il a démontré expérimentalement l'existence de l'esprit, sa nature, son évolution continue par les réincarnations successives, etc. "L'objet spécial du Spiritisme est la connaissance des lois du principe spirituel, (...) une des forces de la nature, qui réagit incessamment sur le principe matériel et réciproquement."5

Les Esprits avaient pressenti l'acceptation difficile de cette approche nouvelle6 : "Ce serait bien peu connaître les hommes, si l'on pensait qu'une cause quelconque pût les transformer comme par enchantement. Les idées se modifient peu à peu selon les individus, et il faut des générations pour effacer complètement les traces des vieilles habitudes."

La Doctrine Spirite ne se limite pas à l'aspect externe des phénomènes. Elle touche à des sujets qui étaient restés dans le domaine de la connaissance religieuse et philosophique, mais en adoptant une méthodologie scientifique.

Le Spiritisme se distingue des religions traditionnelles, car il ne se sert pas de rituels, de liturgie, de dogmes, de symboles, de la superstition, de cultes extérieurs. Mais il reconnaît fondamentalement l'Ethique chrétienne, lui apporte une base rationnelle, et la conseille à l'individu comme un moyen pour échapper à la stagnation évolutive et à la souffrance qui en résulte.

C'est en cela que réside le caractère religieux du Spiritisme. Il aide l'homme à s'ajuster aux lois naturelles qui assurent l'harmonie de l'Univers, par l'éthique qui résulte de sa base scientifique et philosophique. Il encourage ainsi son "lien" avec les desseins de l'Intelligence Suprême, cause première de toutes choses.

Ceux qui nient le caractère religieux du Spiritisme le font soit par inattention, en le confondant avec ce qui est reprochable dans les religions dogmatiques, soit par manque de perception du chemin qui émane de la science spirite, passe par la philosophie spirite et mène à l'éthique spirite, chemin qui peut être battu à la lumière d'une argumentation rationnelle solide.

A l'opposé, on ne doit pas sous-estimer l'aspect scientifique et philosophique du Spiritisme, en argumentant que les Evangiles de Jésus et du Spiritisme sont le meilleur moyen de surmonter les problèmes de l'humanité. Cela exprime, il est vrai, la constatation d'une situation objective et réelle. Mais le moyen le plus efficace et souvent unique d'atteindre l'objectif visé - l'acceptation et la pratique de l'éthique évangélique par l'Humanité - est justement la compréhension claire et définitive de cette nécessité, que seule la connaissance de la base scientifique et philosophique du Spiritisme peut apporter. Le temps des prescriptions dogmatiques est révolu. Aujourd'hui, l'homme est déjà habitué à agir en désaccord avec les normes éthiques de l'Evangile. L'exhorter à changer radicalement de direction serait voué à l'échec sans l'appui d'une démonstration positive et irrécusable de conformité avec la raison. Ceci ne peut être obtenu que par la compréhension complète des réalités de l'Esprit immortel, qui font l'objet des études de la science et de la philosophie spirites.

C'est donc avec bon sens que Kardec a écrit, au chapitre XIX et sur la page de couverture de "L'Evangile selon le Spiritisme" : "Il n'y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face, à tous les âges de l'humanité". Au chapitre XXIV, il ajoute : "(...) sans la lumière de la raison, la foi s'affaiblit".

4 FONDEMENTS DE L'ETHIQUE SPIRITE

Qui sommes-nous pour oser parler d'éthique ? Loin de nous de vouloir imposer des conceptions personnelles ou de revendiquer l'exclusivité de la vérité. L'enseignement des Esprits se fait sur tous les points du globe, et n'est le privilège de personne. Les médiums sont nombreux, mais personne n'est infaillible. "Le premier contrôle doit donc être celui de la raison, auquel il faut soumettre, sans exception, tout ce qui vient des Esprits. (...) Mais ce contrôle est incomplet dans beaucoup de cas, par suite de l'insuffisance des lumières de certaines personnes, et de la tendance de beaucoup à prendre leur propre jugement pour unique arbitre de la vérité. En pareil cas, que font les hommes qui n'ont pas en eux-mêmes une confiance absolue ? Ils prennent l'avis du plus grand nombre, et l'opinion de la majorité est leur guide." Les médiums ou les groupes qui travaillent isolément sont parfois bien inspirés, mais la concordance dans l'enseignement des Esprits est le meilleur contrôle. "La seule garantie sérieuse de l'enseignement des Esprits est dans la concordance qui existe entre les révélations faites spontanément, par l'entremise d'un grand nombre de médiums étrangers les uns aux autres, et dans diverses contrées."7

Allan Kardec disait : "Dans notre position, recevant les communications de près de mille centres spirites sérieux, disséminés sur les divers points du globe, nous sommes à même de voir les principes sur lesquels cette concordance s'établit." Aujourd'hui, le Mouvement Spirite s'est mondialisé. Le Conseil Spirite International fédère les Fédérations Nationales, qui elles-mêmes fédèrent les groupes spirite dans leurs pays.

Examinons à présent les bases de l'éthique. Pour fixer les idées, considérons quelques pratiques courantes : adultère ; homosexualité ; sexe libre ; port de vêtements "osés" ; avortement ; ingestion d'alcool ou d'autres produits toxiques ; utilisation de biens et services publics à des fins personnelles ; institution de systèmes économiques entraînant la détérioration des programmes de santé, d'éducation, d'alimentation et de travail ; suspension volontaire et systématique du travail ; calomnie ; ragots ; utilisation des médias pour véhiculer la violence ou pour promouvoir des produits de valeur réelle douteuse.

Ces pratiques ont généralement été condamnées par les religions. Aujourd'hui, elles sont courantes, et même parfois protégées par principe. On les rencontre dans la rue, à la télévision, dans les manifestations, dans les chansons populaires. Elles sont parfois recommandées comme des ressources thérapeutiques. Ceux qui s'y opposent sont taxés de "réactionnaires", de "moralistes" ou d'"obtus". Leurs arguments sont essentiellement négatifs, basés sur l'absence de justification pour agir dans le sens contraire. On dit : "Pourquoi pas ?", et on en reste là. La sagesse recommande pourtant : Dans le doute, abstiens-toi.

Les prescriptions morales ont existé de tout temps dans toutes les civilisations. Elles proviennent pour la plupart de systèmes religieux, recommandées par un prophète ou "révélateur". Fondamentalement, leur acceptation a donc été une question croyance, de foi. Une cause de l'actuel bannissement des valeurs éthiques dans la civilisation occidentale est l'expansion du matérialisme, favorisée, d'une certaine manière, par les religions traditionnelles qui ont mêlé symboles et rituels au Christianisme, et l'ont fondé sur des bases dogmatiques. Il est vrai, comme le dit Léon Denis, que "les dogmes et les prêtres sont nécessaires, et le seront longtemps encore, aux âmes jeunes et timides qui pénètrent chaque jour dans le cercle de la vie terrestre et ne peuvent se diriger seules dans la voie de la connaissance, ni analyser leurs besoins et leurs sensations."8 Mais cela ne convient plus "aux esprits libres et majeurs, qui veulent trouver par eux-mêmes la solution des grands problèmes et la formule de leur Credo".

Dans la philosophie occidentale, de caractère rationnel, les arguments pour l'émission de règles morales se heurtent à la constatation que "le fait d'être n'implique pas le devoir". Ce n'est pas parce qu'il y a des guerres dans le monde qu'elles doivent exister. Aucun état de fait ne peut entraîner des propositions du genre "cela doit être ainsi".

En réalité, les états de fait servent quand même à l'obtention de conséquences normatives. Voyons quelques exemples simples. L'utilisation de pneus lisses sur un véhicule entraîne des accidents graves : il est normal d'en conclure qu'il faut les remplacer. En mettant la main au-dessus de la flamme d'une bougie, on se brûle : il vaut donc mieux éviter de le faire. L'exposition directe d'objets en fer à l'air libre entraîne leur oxydation et leur dégradation : on en déduit que pour la construction d'immeubles, ces matériaux doivent être protégés de l'action de l'air.

Remarquons, dans ces exemples, que certains objectifs sont admis implicitement : la préservation de la vie (dans les deux premiers) et l'obtention de constructions qui ne s'écroulent pas dans le temps (dans le dernier). Sans ces hypothèses connexes, il est évident que les inférences faites ne seraient pas valables.

Quel est le rapport avec l'éthique ? Les propositions normatives, dans les exemples cités, sont fondées sur des lois empiriques suite à l'observation des faits. Mais pour les prescriptions morales, les "états de faits" qui pourraient les fonder d'une manière analogue échappent généralement du domaine factuel, et sont plutôt considérés comme des spéculations métaphysiques. Comment alors en déduire et reconstruire des argumentations du type de celles exposées plus haut ? C'est là qu'intervient le Spiritisme.

"Les communications spirites ont pour résultat de nous montrer l'état futur de l'âme, non plus comme une théorie, mais comme une réalité ; elles mettent sous nos yeux toutes les péripéties de la vie d'outre-tombe ; mais elles nous les montrent en même temps comme des conséquences parfaitement logiques de la vie terrestre."9

Le Spiritisme apporte à l'homme la certitude qu'il est d'essence spirituelle, et lui donne des informations précieuses sur l'évolution de l'Esprit. L'observation attentive de sa situation post mortem et des conditions de la réincarnation démontre l'existence d'une loi naturelle, assurant le développement harmonieux des êtres : la Loi de Cause à Effet.

Cette loi fixe les conséquences futures des actions présentes de l'homme, et sa connaissance lui apporte naturellement un meilleur discernement dans l'utilisation de son libre arbitre, en fonction de ses objectifs.

Il saura, par exemple, qu'un homicide entraîne des "lésions" dans le corps spirituel (ou périsprit) de l'exécutant, qui entraîneront, dans une incarnation future, des malformations ou des maladies, et un état d'affliction durant sa permanence dans le monde spirituel. Il saura aussi que la ligature des trompes, la vasectomie, l'homosexualité, interfèrent dans la circulation normale des forces sexuelles dans le périsprit ; la conséquente rupture de l'harmonie des centres de contrôle de ces forces se manifestera plus tard sous la forme de dysfonctionnements hormonaux complexes, de perturbations variées des organes sexuels et autres complications.

5 EXEMPLES

Dans le livre "Le Ciel et l'Enfer", seconde partie, Allan Kardec donne de nombreux exemples, basés sur des témoignages d'esprits dans diverses conditions après leur mort, entre le bonheur et les souffrances extrêmes. Ces témoignages sont obtenus couramment dans tous les centres spirites qui réalisent un travail chrétien d'assistance aux Esprits en difficultés.

Allan Kardec résume ainsi l'état de l'Esprit au moment de la mort : "L'Esprit souffre d'autant plus que le dégagement du périsprit est plus lent ; la promptitude du dégagement est en raison du degré d'avancement moral de l'Esprit ; pour l'Esprit dématérialisé dont la conscience est pure, la mort est un sommeil de quelques instants, exempt de toute souffrance, et dont le réveil est plein de suavité."

Parmi les Esprits heureux, citons la communication de M. Jobard :

"Je veux d'abord vous raconter mes impressions au moment de la séparation de mon âme ; j'ai senti un ébranlement inouï, je me suis rappelé tout à coup ma naissance, ma jeunesse, mon âge mûr ; toute ma vie s'est retracée nettement à mon souvenir. Je n'éprouvais qu'un pieux désir de me retrouver dans les régions révélées par notre chère croyance ; puis, tout ce tumulte s'est apaisé. J'étais libre et mon corps gisait inerte. Ah ! mes chers amis, quelle ivresse de dépouiller la pesanteur du corps ! quelle ivresse d'embrasser l'espace ! Ne croyez cependant pas que je sois devenu tout à coup un élu du Seigneur ; non, je suis parmi les Esprits qui, ayant un peu retenu, doivent encore beaucoup apprendre. Je n'ai pas tardé à me souvenir de vous, mes frères en exil, et, je vous l'assure, toute ma sympathie, tous mes voeux vous ont enveloppés."

Parmi les Esprits souffrants, citons la communication de Novel :

"Je vais te raconter ce que j'ai souffert quand je suis mort. Mon Esprit, retenu à mon corps par des liens matériels, a eu grand-peine à s'en dégager, ce qui a été une première et rude angoisse. La vie que j'avais quittée à vingt-quatre ans était encore si forte en moi que je ne croyais pas à sa perte. Je cherchais mon corps, et j'étais étonné et effrayé de me voir perdu au milieu de cette foule d'ombres. Enfin la conscience de mon état, et la révélation des fautes que j'avais commises dans toutes mes incarnations, me frappèrent tout à coup ; une lumière implacable éclaira les plus secrets replis de mon âme, qui se sentit nue, puis saisie d'une honte accablante. Je cherchais à y échapper en m'intéressant aux objets nouveaux, et pourtant connus, qui m'entouraient ; les Esprits radieux, flottant dans l'éther, me donnaient l'idée d'un bonheur auquel je ne pouvais aspirer ; des formes sombres et désolées, les unes plongées dans un morne désespoir, les autres ironiques ou furieuses, glissaient autour de moi et sur la terre à laquelle je restais attaché. Je voyais s'agiter les humains dont j'enviais l'ignorance ; tout un ordre de sensations inconnues, ou retrouvées, m'envahirent à la fois. Entraîné comme par une force irrésistible, cherchant à fuir cette douleur acharnée, je franchissais les distances, les éléments, les obstacles matériels, sans que les beautés de la nature, ni les splendeurs célestes pussent calmer un instant le déchirement de ma conscience, ni l'effroi que me causait la révélation de l'éternité. Un mortel peut pressentir les tortures matérielles par les frissons de la chair, mais vos fragiles douleurs, adoucies par l'espérance, tempérées par les distractions, tuées par l'oubli, ne pourront jamais vous faire comprendre les angoisses d'une âme qui souffre sans trêve, sans espoir, sans repentir. J'ai passé un temps dont je ne peux apprécier la durée, enviant les élus dont j'entrevoyais la splendeur, détestant les mauvais Esprits qui me poursuivaient de leurs railleries, méprisant les humains dont je voyais les turpitudes, passant d'un profond accablement à une révolte insensée."

"Enfin, tu m'as appelé, et pour la première fois un sentiment doux et tendre m'a apaisé ; j'ai écouté les enseignements que te donnent tes guides ; la vérité m'a pénétré, j'ai prié : Dieu m'a entendu ; il s'est révélé à moi par sa clémence, comme il s'était révélé par sa justice."

Enfin, citons la communication d'un suicidé, qui illustre la situation terrible dans laquelle ils se retrouvent après leur acte malheureux :

"Aurez-vous pitié d'un pauvre misérable qui souffre depuis si longtemps de si cruelles tortures ! Oh ! le vide... l'espace... je tombe, je tombe, au secours !... Mon Dieu, j'ai eu une si misérable vie !... J'étais un pauvre diable ; je souffrais souvent de la faim dans mes vieux jours ; c'est pour cela que je m'étais mis à boire et que j'avais honte et dégoût de tout... J'ai voulu mourir et je me suis jeté... Oh ! mon Dieu, quel moment !... Pourquoi donc désirer d'en finir quand j'étais si près du terme ? Priez ! pour que je ne voie plus toujours ce vide au-dessous de moi... Je vais me briser sur ces pierres !... Je vous en conjure, vous qui avez connaissance des misères de ceux qui ne sont plus ici-bas, je m'adresse à vous, quoique vous ne me connaissiez pas, parce que je souffre tant..."

Par les milliers de communications de ce genre, le Spiritisme peut donc déterminer les actions qui sont néfastes pour l'homme, qui sont en conflit avec l'évolution harmonieuse de l'Esprit, la seule capable de lui apporter la paix et le bonheur durable. Cela donne aux normes éthiques un fondement rationnel, à l'image des normes concernant les actions limitées au plan matériel.

Les prescriptions morales confirmées par le Spiritisme n'ont aucun caractère dogmatique. Il s'agit de choisir ce qui convient le mieux, il n'y a aucune interdiction. Rien n'empêche l'individu de continuer à agir en désaccord avec ces prescriptions. D'ailleurs, les notions du bien et du mal évoluent en parallèle avec l'entendement de l'homme. Si un individu cause un tort, sa responsabilité sera en raison de sa conscience et de sa connaissance anticipée des conséquences de ses actes.

Le Spiritisme permet aussi de discerner les normes qui sont réellement confirmées par les faits de celles créées par l'imagination, les préjugés, les superstitions, au long des siècles, généralement liées à des actes extérieurs, que le simple bon sens suffit souvent à démasquer.

En promouvant cette recherche de l'éthique, en la débarrassant de tout ce qui est superflu, inutile ou sans fondement, le Spiritisme lui rend un service inestimable. Tout en l'immunisant des investitures de l'analyse rationnelle, il en oblige l'acceptation par tous ceux qui se disposent à un examen sérieux et sans idées préconçues de l'argumentation logique et de la phénoménologie spirites.

6 L'ETHIQUE SPIRITE ET L'ETHIQUE CHRETIENNE

"La doctrine spirite, en ce qui concerne les peines futures, n'est pas plus fondée sur une théorie préconçue que dans ses autres parties ; ce n'est pas un système substitué à un autre système : en toutes choses, elle s'appuie sur des observations, et c'est ce qui fait son autorité. Nul n'a donc imaginé que les âmes, après la mort, devaient se trouver dans telle ou telle situation ; ce sont les êtres mêmes qui ont quitté la terre qui viennent aujourd'hui nous initier aux mystères de la vie future, décrire leur position heureuse ou malheureuse, leurs impressions et leur transformation à la mort du corps ; en un mot, compléter sur ce point l'enseignement du Christ."10

L'éthique spirite coïncide donc avec l'éthique chrétienne, telle qu'elle a été enseignée et pratiquée par Jésus, et avec celle dictée par la conscience, exempte de préjugés et d'intérêts.

"La morale des Esprits supérieurs se résume comme celle du Christ en cette maxime évangélique : Agir envers les autres comme nous voudrions que les autres agissent envers nous-mêmes ; c'est-à-dire faire le bien et ne point faire le mal. L'homme trouve dans ce principe la règle universelle de conduite pour ses moindres actions."11

A la question 625 du Livre des Esprits : "Quel est le type le plus parfait que Dieu ait offert à l'homme pour lui servir de guide et de modèle ?", les Esprits ont répondu : "Voyez Jésus."

Le Spiritisme offre une vision globale qui permet de comprendre les raisons de la convergence des trois versants indépendants - le rationnel spirite, le chrétien et celui de la conscience - vers un même ensemble de normes morales, qui se résume dans le respect et dans l'amour du prochain.

Chacun se base, en dernière instance, sur la pénétration des propres structures de l'Univers, régulatrices de l'harmonie qui y règne.

Le Spiritisme atteint cet objectif par l'observation scientifique des phénomènes naturels, alliée aux méthodes d'analyse rationnelle.

La conscience de l'être humain est le dispositif naturel qui lui permet de "s'accorder" sur le plan général de l'Univers, et évoluer de façon ordonnée.

Jésus, esprit pur, intelligent, les sentiments et l'intuition développés à un degré que nous ne pouvons assimiler, ne s'est certainement pas limité aux moyens dont nous disposons pour pénétrer les lois de l'Univers. Il a utilisé d'autres moyens qui échappent complètement à notre cadre conceptuel.

Soulignons que la cohérence ne s'arrête pas à l'éthique chrétienne, mais s'étend également aux bases fondamentales d'autres religions. "Il n'y a pour l'homme d'étude aucun ancien système philosophique, aucune tradition, aucune religion à négliger, car tout renferme des germes de grandes vérités qui, bien que paraissant contradictoires les unes avec les autres, éparses qu'elles sont au milieu d'accessoires sans fondement, sont très faciles à coordonner, grâce à la clef que nous donne le spiritisme d'une foule de choses qui ont pu, jusqu'ici, vous paraître sans raison et dont aujourd'hui la réalité vous est démontrée d'une manière irrécusable."12

"Les conséquences du spiritisme sont de rendre les hommes meilleurs, et partant plus heureux, par la pratique de la plus pure morale évangélique."13

Le vrai Spirite ne se reconnaît donc pas uniquement à sa connaissance rationnelle de la doctrine spirite. Sa certitude positive sur l'avenir, découlant des phénomènes qui ont frappé ses sens, font qu'il se comporte conformément à l'éthique et à la morale enseignée par le Christ. Sa maxime est celle d'Allan Kardec : "Hors la charité, point de salut !", car il sait que son intérêt personnel ne sera servi qu'en fonction de son ardeur à servir l'intérêt collectif. Il n'a absolument aucun but lucratif, aucune ambition de pouvoir ou de rang si ce n'est celle de progresser dans son évolution et de faire progresser son prochain.

7 CONCLUSION

Le rejet sans preuves ou le refus d'examiner rationnellement le monde spirituel présentent l'inconvénient de laisser le champ libre aux abus en tout genre, généralement d'ordre financier, et même parfois dramatiques, exploitant la crédulité des personnes. Le Spiritisme apporte les éléments logiques permettant de réfuter ces abus de façon formelle, tout en offrant des réponses claires et consolatrices à la majorité des questions existentielles, si souvent à l'origine du désespoir humain.

Le Spiritisme ne fait aucun prosélytisme, et ne prétend pas détenir l'exclusivité de la Vérité. Allan Kardec demande humblement : "Quel est l'homme qui peut se flatter de la posséder tout entière, alors que le cercle des connaissances grandit sans cesse, et que les idées se rectifient chaque jour ?"14

Le Spiritisme proclame la liberté de conscience, le droit de libre examen en matière de foi. Il reçoit ceux qui viennent volontairement à lui, et ne cherche à détourner personne de ses croyances ou de sa religion. La croyance d'une personne importe peu, du moment qu'elle oeuvre pour le bien de son prochain.

Le Spiritisme s'adresse à ceux qui, étant perdus ou n'étant pas satisfaits de ce qu'on leur a donné, cherchent quelque chose de mieux. Il ne dit pas : "Croyez d'abord, et vous comprendrez ensuite si vous pouvez", mais "Comprenez d'abord, et vous croirez ensuite si vous le voulez".

Nous encourageons les personnes, désireuses de s'éclairer, à lire et à méditer, ne serait-ce que les trente pages de l'introduction du Livre des Esprits, qui leur confirmeront le but essentiel du Spiritisme : il n'y faut chercher que ce qui peut aider au progrès moral et intellectuel des hommes.


Références bibliographiques :


1 Allan Kardec, "La Genèse, les miracles et les prédictions selon le Spiritisme", Caractère de la Révélation Spirite, item 14.


2 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", question n°1010.


3 Voir Silvio Chibeni, "Spiritisme, science et philosophie de la science".


4 Voir les réfutations d'Allan Kardec dans "Le Livre des Esprits", Introduction, item XVI, "Qu'est-ce que le Spiritisme", chapitre I, "Le Livre des Médiums", chapitre IV, ou "Le Ciel et l'Enfer", première partie. Voir également les ouvrages de Gabriel Delanne et d'Ernesto Bozzano.


5 Allan Kardec, "La Genèse, les miracles et les prédictions selon le Spiritisme", Caractère de la Révélation Spirite, item 16.


6 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", question n°800.


7 Allan Kardec, "L'Evangile selon le Spiritisme", Autorité de la Doctrine Spirite.


8 Léon Denis, "Le Problème de l'Etre et de la Destinée", 1° Partie, Chapitre 1.


9 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", question 973.


10 Allan Kardec, "Le Ciel et l'Enfer", chapitre VII.


11 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", Introduction, item VI.


12 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", Question 628.


13 Allan Kardec, "Le Livre des Esprits", Conclusion, item V.


14 Allan Kardec, "L'Evangile selon le Spiritisme", chapitre XV.