L'idée directrice.

En premier lieu, nous remarquons qu'il existe, dans l'infini, des terres comme la nôtre qui obéissent à des règles invariables, dont l'enchaînement est si grandiose que l'esprit étonné et confondu devant ces merveilles ne peut douter qu'une profonde sagesse ait présidé à leur arrangement. Ce n'est pas à un savant comme Moleschott qu'il est nécessaire de rappeler cette complication extrême de la machine céleste. Ce n'est pas à lui qu'il faut montrer ces milliards de mondes roulant dans l'éther et enchevêtrant leurs orbites dans une harmonie si puissamment combinée que l'imagination la plus fertile peut à peine en approfondir les lois les plus simples.

Qui ne s'arrête émerveillé devant la splendeur d'une belle nuit d'été ? Qui n'a tressailli d'une émotion indescriptible en voyant cette poussière de soleils suspendus dans le vide ? Qui n'a senti une terreur involontaire en songeant que l'astre qui nous porte chemine dans l'éther, sans autre soutien que l'attraction d'une planète lointaine ? Et qui n'a songé, un jour, que les mouvements si précis de cette vaste horloge dévoilaient l'intelligence d'un sublime ouvrier ? Qui n'a compris que l'harmonie ne peut naître du chaos et que le hasard, cette force aveugle, ne saurait engendrer l'ordre et la régularité ?

Oui, dans l'espace sans bornes ont lieu les transmutations éternelles de la matière ; oui, elle change d'aspect, de propriétés, de formes, mais nous constatons que c'est en vertu de lois immuables, guidées par la plus inflexible logique, c'est pourquoi nous croyons à une intelligence suprême, régulatrice de l'Univers.

Si, détournant nos yeux de la voûte azurée, nous les portons autour de nous, nous remarquons encore la même influence directrice. Nous savons, comme Moleschott, que rien ne se crée, que rien ne se perd sur notre petit monde. L'astronomie nous montre la terre tourbillonnant autour du soleil à travers les champs de l'étendue et nous savons que la gravitation retient à sa surface tous les corps qui la composent. Nous pouvons donc très bien comprendre qu'elle n'acquière et ne perde rien dans sa course incessante. Les découvertes nouvelles nous prouvent que toutes les substances se transforment les unes dans les autres, que les corps étudiés par la chimie diffèrent par le nombre et les proportions des éléments simples qui entrent dans leur composition. Rien n'est plus exact et personne ne songe à contester ces vérités démontrées.

Si nous envisageons la multiplicité énorme des échanges qui s'accomplissent entre tous les corps, ce qui nous surprend le plus, ce ne sont pas ces combinaisons elles-mêmes, c'est la merveilleuse entente des besoins de chaque être qu'elles témoignent. Rien n'est perdu dans l'immense laboratoire de la nature. Tous les êtres, si infimes qu'ils nous paraissent, ont leur utilité pour le bon fonctionnement de l'ensemble de la création, chaque substance est utilisée de manière à produire son maximum d'effet, et la «circulation de la matière» entretient la vie à la surface de notre globe. Oui, ce mouvement perpétuel est l'âme du monde, et plus il est compliqué, plus il est diversifié, plus il témoigne en faveur d'une action directrice.

La science contemporaine a découvert nos origines ; nous savons que depuis le moment où la terre n'était qu'un amas de matière cosmique, il s'est produit des métamorphoses qui l'ont amenée lentement, graduellement, jusqu'à l'époque actuelle. C'est en raison de cette progression évolutive que nous reconnaissons la nécessité d'une influence s'exerçant d'une manière constante pour conduire les êtres et les choses de la phase rudimentaire à des états de plus en plus perfectionnés.

On ne peut nier, lorsqu'on examine le développement de la vie à travers les périodes géologiques, qu'une intelligence n'ait dirigé la marche ascendante de tout ce qui existe vers un but que nous ignorons mais dont l'existence est évidente.

Il est facile de constater que les êtres se sont modifiés d'une manière continue en vertu d'un plan grandiose, à mesure que les conditions de la vie se transformaient à la surface du globe. C'est pourquoi nous retrouvons dans les entrailles de la terre les ébauches de la plus grande partie des races, végétales et animales, qui composent aujourd'hui la faune et la flore terrestres.

A quel agent attribuer cette marche progressive ? Est-ce le hasard qui combine avec tant de soin l'action de tous les éléments ? Il serait absurde de le supposer, le hasard étant un mot qui signifie absence de tout calcul, de toute prévision.

Si cette hypothèse est écartée, il nous reste les lois physico-chimiques dont parle Moleschott. Ici encore nous ferons observer que ces lois ne sont pas intelligentes. On n'a jamais admis que l'oxygène se combinât par plaisir avec l'hydrogène ; l'azote, le phosphore le carbone, etc., ont des propriétés qu'ils possèdent de toute éternité, c'est évident. Mais il n'est pas moins vrai que ce sont des forces aveugles, qu'elles ne se dirigent pas en vertu d'une impulsion qui leur est propre, et si ces énergies passives en s'alliant produisent des résultats harmoniques, bien coordonnés, c'est qu'elles sont mises en oeuvre par une puissance qui les domine. La chimie, la physique, l'astronomie, en expliquant les faits qui appartiennent à leurs domaines respectifs, n'ont nullement atteint la cause première. La biologie moderne ne touche pas davantage à cette cause, elle ne supprime pas Dieu, elle le voit plus loin et surtout plus haut.