INTRODUCTION

Les ouvrages de Léon Denis me révélèrent la doctrine spirite. Jamais aucune philosophie ne m'avait procuré une impression de joie aussi intense, ce fut un éblouissement. L'étude en est particulièrement captivante lorsque le mystère de la mort s'impose à l'esprit accablé par la tristesse de deuils successifs, mystère sur lequel aucune religion occidentale n'a jeté de clartés. On y trouve un véritable trésor spirituel, la certitude des espérances religieuses, celle d'une survie consciente étayée de preuves certaines.

D'emblée, j'avais fait mienne la théorie réincarnationiste, elle ne me paraissait pas nouvelle et semblait réveiller en moi des connaissances déjà acquises. J'avais l'intuition d'avoir jadis parcouru les sentiers où nous conduit le Maître.

Quelque temps après avoir lu l'oeuvre de Léon Denis, j'appris que l'apôtre du spiritisme habitait Tours. Cependant, je laissai s'écouler quelques années avant d'oser aller vers lui. Un jour le hasard - est-ce bien le hasard ? - mit sous mes yeux un journal de la localité où était annoncé le décès d'un M. Léon Denis. Cette nouvelle fut pour moi une source de regrets et de remords. Je me renseignai, c'était un homonyme !

Sans plus différer, j'allai frapper à la porte du Maître1, l'accueil qu'il me fit, empreint d'une bienveillante cordialité, me toucha profondément. Il eut la bonté de me rendre ma visite, c'est-à-dire qu'il noua lui-même le noeud qui par la suite devait se resserrer.

A la fin de la guerre, Mlle Camille Chaise, réfugiée rémoise, secrétaire du Maître, devant quitter Tours, il la pria de me demander de la remplacer. J'acceptai avec empressement. Ma collaboration au travail de l'écrivain spirite ne devait finir qu'à sa mort. C'est donc l'époque de sa pleine maturité que je décrirai particulièrement ici.

Le temps amenant la confiance, notre intimité grandit et Léon Denis prit l'habitude de penser tout haut en ma présence : il me faisait part de ses sentiments et de ses jugements sur les choses et les gens.

Maintenant que le Maître vénéré de tous a été "rappelé à l'espace"2, un devoir s'impose à nous, celui de retracer cette belle et noble figure d'apôtre et de rendre durable son souvenir. La publicité donnée à ces pages n'a qu'un but : faire mieux connaître le grand écrivain français qui voua entièrement sa vie à la cause du spiritisme, cause qu'il a défendue vaillamment et propagée durant cinquante ans avec une ardeur jamais démentie.

O Dieu, nous te demandons que Léon Denis devienne "vivant" aux yeux de ses nombreux amis, connus et inconnus, particulièrement auprès des innombrables correspondants qu'il a consolés. Moins privilégiés que nous, ils n'ont pas eu la joie de l'approcher, d'entendre sa voix et de bénéficier de son enseignement oral, que du moins sa mémoire soit pieusement conservée dans leur coeur comme elle l'est dans le nôtre !

 

Saint-Cyr-sur-Loire,
le 12 Octobre 1927.


1 C'était en 1909, mais j'ai le regret de n'avoir pas fixé la date.


2 Le journal local La Dépêche, du samedi 16 avril 1927, annonçait en ces termes le décès de Léon Denis : Vous êtes prié d'assister aux obsèques de M. Léon Denis, homme de lettres, rappelé à l'espace dans sa 81° année.