CHAPITRE 8
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Le procès criminel

  • Moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent.
  • (Matthieu, 5-44)

    Le second débat soutenu par Euripide Barsanulfo fut celui avec le docteur Jean Teixeira Alvares, président du Cercle Catholique d'Uberaba, médecin et père du gouverneur de l'état du Goiás. Dans un communiqué publié sur la première page du journal "Lavoura e Comércio" du premier novembre 1918 (numéro que j'ai consulté aux archives du journal), ce médecin déclare qu'il a fondé le Cercle Catholique en 1914 et qu'il a assumé la présidence quatre fois consécutives "dans le but exclusif de rendre service à la religion".

    Le destin de ce médecin, dont se servait le clergé de l'au-delà pour empêcher la réalisation du travail missionnaire d'Euripide, est curieux. Résidant à Uberaba, il était devenu le plus furieux persécuteur du médium, pour deux raisons : leader du Spiritisme dans une région autrefois éminemment catholique, Euripide avait en plus guéri des dizaines de personnes qui n'avaient obtenu aucune amélioration chez le médecin d'Uberaba...

    Dans le communiqué cité ci-dessus, le docteur Jean disait qu'il avait fondé le Cercle Catholique dans le "but de rendre service à la religion". La phrase est sublime, mais qu'entendait-il donc par "service à la religion" ?

    Delfin Pereira da Silva, habitant à Santa Maria et président du Centre Spirite "Foi et Amour" (où Euripide avait développé sa médiumnité), avait compris le besoin de la diffusion du Spiritisme et décida de diriger la publication d'un hebdomadaire, "Alavanca", lancé le 2 novembre 1913. Chaque semaine, il contenait des articles inédits d'auteurs de tout le pays, parmi lesquels le confrère de l'état de Bahia J. Panphiro. Mais dans un numéro, il avait imprimé un extrait des "Oeuvres Posthumes" dans lequel Allan Kardec affirme que Jésus n'est pas Dieu. Le journal arriva indirectement entre les mains du docteur Jean qui répliqua dans le journal "Lavoura et Comércio", sans oublier d'injurier les spirites. Euripide, en se basant sur les "Oeuvres Posthumes", rédigea alors le premier article d'une série : "Dieu n'est pas Jésus, et Jésus n'est pas Dieu". Il s'ensuivit une nouvelle réplique violente du médecin avec d'autres injures. Mais les arguments du docteur Jean se tarirent bien vite et Euripide défendit sa thèse durant plus d'une année, apportant la lumière aux lecteurs catholiques attentifs qui suivaient la polémique.

    DIEU, la très belle prière, poème d'une grande valeur littéraire, dont la lecture nous transmet une douce décharge fluidique, fut publiée à cette époque dans le journal "Alavanca" (Janvier 1904) et faisait partie de la polémique. Ecoutons l'Apôtre de la Charité :

    L'univers est une oeuvre intelligente ; une oeuvre qui transcende l'intelligence humaine la plus géniale ; comme tout effet intelligent a une cause intelligente, il faut convenir que celle de l'Univers est supérieure à toute intelligence ; c'est l'intelligence des intelligences ; la Cause des causes ; la Loi des lois ; le Principe des principes ; la Raison des raisons ; la Conscience des consciences ; c'est DIEU ! nom mille fois Saint que Newton ne prononçait jamais sans se découvrir.

    DIEU ! vous qui vous révélez par la nature, votre fille et notre mère, je vous reconnais, Seigneur ! Dans la poésie de la création, dans l'enfant qui sourit, dans le vieux qui trébuche, dans le mendiant qui implore, dans la main qui assiste, dans la mère qui veille, dans le père qui instruit, dans l'apôtre qui évangélise !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! dans l'amour de l'épouse, dans l'affection du fils, dans l'estime de la soeur, dans la justice du juste, dans la miséricorde de l'indulgent, dans la foi de l'impie, dans l'espoir des peuples, dans la charité des bons, dans l'intégrité des intègres !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! dans la muse du poète, dans l'éloquence de l'orateur, dans l'inspiration de l'artiste, dans la sainteté du moraliste, dans la sagesse du philosophe, dans les feux du génie !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! dans la fleur des vergers, dans l'herbe des vallées, dans les nuances des champs, dans la brise des prairies, dans le parfum des plaines, dans le murmure des sources, dans le bruissement des ramures, dans la musique des bois, dans la placidité des lacs, dans la hauteur des monts, dans l'extension des océans, dans la majesté du firmament !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! dans les belles anthélies, dans l'iris multicolore, dans les aurores polaires, dans l'argenté de la lune, dans la brillance du soleil, dans l'éclat des étoiles, dans la lueur des constellations !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! dans la formation des nébuleuses, dans l'origine des mondes, dans la genèse des soleils, dans le berceau des humanités, dans le merveilleux, dans le splendide, dans le sublime infini !

    DIEU ! Je vous reconnais, Seigneur ! en Jésus, quand il prie : "NOTRE PERE QUI ETES AUX CIEUX"... et avec les anges quand ils chantent : GLOIRE A DIEU AU PLUS HAUT DES CIEUX... Alléluia !

    Comment cette prière d'Euripide n'a-t-elle pu toucher le coeur du président du Cercle Catholique d'Uberaba ? Au contraire, elle l'irrita encore plus. Il s'était esquivé de la polémique par manque d'arguments, mais quatre ans plus tard, en 1917, il revint à la charge avec une violente campagne contre le Spiritisme dans les bulletins du Cercle Catholique et les colonnes du journal "Lavoura et Comércio". Il y qualifia les spirites "d'infâmes", "d'affamés", de "sorciers", "d'ennemis acharnés de la religion et de la morale", de "prosélytes de l'idolâtrie du démon", etc.. Le silence des spirites lui paraissant une lâcheté, le médecin béat déchargea en une seule fois toute sa haine en faisant une dénonciation dans le journal "Lavoura et Comércio" du 7 octobre 1917, journal qui était à l'époque dirigé par son fondateur Quintiliano Jardim.

    La dénonciation comportait deux parties. La première est la reproduction d'un affreux pamphlet contre la Doctrine des Esprits publié dans le journal "Uniao" de Rio de Janeiro le 19 août 1917. Son auteur n'a évidemment pas eu le courage moral de le signer. Ce pamphlet, intitulé "Secte Maudite", contient des passages comme celui-ci :

    ... Le Spiritisme, comme tant d'autres crimes, a tendance à se propager au Brésil comme un virus contagieux qui s'inocule dans la population moins cultivée en produisant des maux qu'on ne peut énumérer.

    Et encore :

    La police doit prendre note de la décision du Tribunal Suprême de fermer ces Centres et ces Ecoles Spirites où, à côté de l'immoralité et du mercantilisme, séjourne la folie sous toutes ses formes dangereuses. La fermeture de ces antres de misère et les procès contre leurs directeurs et propriétaires, seront un énorme service patriotique que la police nous rendra en accomplissant sa mission de veiller à la morale et aux bonnes moeurs. Ecrasons ces importuns par le poids de la loi. Etc..

    La deuxième partie de la dénonciation fut rédigée par le propre président du Cercle Catholique d'Uberaba. Je la transcris intégralement, car cela fait partie de l'histoire du Spiritisme, et cela l'ennoblit !

    A Rio de Janeiro, le Tribunal Suprême condamne le Spiritisme parce qu'il est contraire aux lois du pays, et nie aux spirites toute et n'importe quelle garantie pour la célébration de leurs sessions qui sont un attentat contre la constitution.

    Comment comprendre alors que, dans la ville d'Uberaba, la police permette que les spirites bâtissent un temple ?

    Comment comprendre que le gouvernement de l'état, dans une négligence incroyable, consente que M. Euripide Barsanulfo maintienne dans la ville voisine de Sacramento une CLINIQUE SPIRITE et un COLLEGE SPIRITE - la fameuse ECOLE ALLAN KARDEC ?

    Les lois de l'état de Minas sont-elles différentes de celles qui régissent les décisions du Tribunal Suprême ?

    Le noble peuple de Sacramento est peut-être celui de l'état de Minas qui souffre le plus du Spiritisme. La ville est envahie de tuberculeux, de lépreux, de fous et d'autres malades répugnants, qui vont se faire soigner chez M. Barsanulfo.

    Celui-ci rassemble ces malades, affectés de maladies contagieuses, dans la grande salle de l'ECOLE ALLAN KARDEC où d'innombrables enfants se réunissent en courant le risque d'attraper des affections horripilantes dans leur tendre organisme. Notre gouvernement sait tout cela et permet une telle anomalie !

    Je dis qu'il le sait parce que le gouvernement dispose d'un inspecteur ambulant, et que celui-ci a certainement porté à la connaissance des autorités compétentes l'existence de cette école, qui est un antre diabolique où sont jetés des enfants innocents, inexpérimentés et sans défense, dans les esprits desquels on introduit de fausses théories, une secte antisociale et maudite, et ce qui est le plus grave - une secte condamnée par les lois du pays !

    Nous avons porté ces faits à la connaissance de M. Delfin Moreira, Président de l'état de Minas, et nous lui avons demandé de prendre des mesures d'urgence, en lui posant la question suivante : permettriez-vous que vos chers enfants soient éduqués selon les théories spirites ?

    Certainement pas.

    Permettriez-vous que, dans l'école où sont éduqués vos enfants, se réunissent aussi des malades affectés de maladies contagieuses et répugnantes ?

    Certainement pas.

    Alors comment, ne permettant pas de telles déviations pour votre propre famille, les permettez-vous pour la grande famille de l'état de Minas dont vous êtes aussi le père, par le poste élevé, de gardien et de sentinelle de notre propriété morale et matérielle, que vous occupez ?

    M. le Président, vous êtes responsable devant Dieu pour ce qui se passe dans la ville de Sacramento où un fou, qui a déjà voulu battre son père, dirige une CLINIQUE et une PHARMACIE qui ne paye pas de droits à l'état, et dirige un COLLEGE fréquenté par plus de quatre-vingts élèves des deux sexes !

    Faites cesser ces anomalies ; que votre main protectrice des citoyens de l'état de Minas, éloigne ces dizaines d'enfants destinés aux hospices d'aliénés, à cet âge où l'amour s'épanouit comme une fleur.

    Il y a à Sacramento un député de l'état, un homme de bien, un citoyen honnête et honoré père de famille. Interrogez ce représentant du peuple et nous sommes certains que, étant catholique, il craindra Dieu et ne vous trompera pas au sujet des faits très graves que nous dénonçons ici.

    Pauvre médecin ! Quelle indigence spirituelle ! Ne se contentant pas de sa chute morale en dénonçant un homme dont la vie était le reflet de l'Evangile, il l'offensait en le traitant de "fou", et le calomniait en affirmant "qu'il a déjà voulu battre son père"... De plus, le docteur Jean présidait une institution religieuse ! C'était sans doute la réincarnation d'un juge de l'inquisition espagnole.

    Les spirites d'Uberaba et de Sacramento ne croyaient pas que le président du Cercle Catholique fût capable d'une attitude si hostile. Lorsque le journal "Lavoura e Comércio" fut distribué, beaucoup de confrères s'indignèrent et quelques-uns envisagèrent même des représailles. Cependant, Euripide conseillait :

    - Retirez le mot vengeance de vos esprits. Rappelons-nous de Jésus, et prions pour nos ennemis...

    - Mais, il faut organiser la défense ! Vous êtes en danger, professeur.

    - Mais ne pensez pas à des actes de violence... Faisons confiance aux messagers de Jésus. Ils nous assistent. Notre meilleure arme est toujours la prière. Irradions l'amour...

    Le procès pour exercice illégal de la médecine approchait. Le Juge Fernand de Melo Viana, qui allait devenir gouverneur de l'état de Minas Gerais, était en possession de la dénonciation et avait transmis une notification au commissaire Arnaldo Alencar de Araripe. Dans sa notification, après des considérations préliminaires sur la liberté des cultes religieux garantie par la Constitution Fédérale, le Juge impartial avertit :

    Suite à ces instructions, je vous demande d'ouvrir une enquête pour contrôler la part de vérité, en veillant à éviter que l'on inflige aux autorités une omission criminelle dans l'accomplissement du devoir. Cependant, dans ces faits impliquant des personnes respectables des localités, comme vous le constaterez dans les annexes, il est préférable d'exclure les fonctionnaires servant dans le même milieu pour que tout soit épuré et éclairci sans passions et avec l'impartialité requise...

    Le commissaire convoqua le notaire Adolfo Terra et se rendit à Sacramento, faisant alors partie du district d'Uberaba. Par voie médiumnique, Euripide était déjà informé de sa venue, et il invita Manoel Correa, Lindolfo Fernandes, Antônio Gonçalves de Araujo, Maximilien Claude Diamantino et Azarias Arantes pour témoigner. Il fallait dire toute la vérité à l'interrogatoire, même si cela compromettait le médium.

    Le notaire Adolfo Terra remit l'intimation : l'accusé, Euripide Barsanulfo, devait comparaître pour une déposition le 22 octobre à dix-neuf heures, à la mairie.

    Euripide comparut avec les témoins. Les questions étaient peu nombreuses, car contrairement à ce qu'attendait le commissaire, le médium n'occulta rien. Voici sa déposition transcrite par le notaire Adolfo Terra :

    Il déclare ne jamais avoir pratiqué ni exercé la médecine, mais qu'il pratique la médiumnité médicale, par laquelle l'esprit d'Adolfo Bezerra de Menezes prescrit des médicaments aux nécessiteux qui le sollicitent, ce qu'il fait gratuitement, sans la moindre rémunération, sans demandes ou exigences de gratification, et pour tout le monde.

    La médiumnité est citée une nouvelle fois dans le procès-verbal :

    Il déclare que l'esprit du docteur Bezerra de Menezes l'accompagne pendant les opérations qu'il réalise, et agir selon ses indications mais en aucun cas par lui même, juste comme médium. Il confirme que plusieurs infirmes recherchent sa médiumnité pour recevoir des soins.

    Manoel Correa, portugais, trente et un ans, représentant à la quincaillerie Silva & Parada de Campinas, et qui allait se marier avec Eridite, soeur d'Euripide, fut le premier témoin à être entendu par le commissaire Arnaldo Alencar de Araripe ; voici sa déposition :

    Il déclare souffrir depuis presque deux ans d'une inflammation de la peau qui lui a fait parcourir les cabinets d'un grand nombre de médecins et plusieurs thermes, sans obtenir de soulagement ; il y a six mois, de passage dans cette ville au retour d'Araxá, un ami lui a conseillé de consulter le professeur Euripide Barsanulfo ; ce professeur lui a alors prescrit plusieurs pommades pour une application externe et plusieurs drogues aux goûts différents, ne lui demandant jamais aucune somme ; avec cette médication, le déposant a senti une amélioration considérable de sa santé ; il a vu plusieurs malades soignés par le professeur Barsanulfo, dont Joaquim Sandoval, atteint de complexes de persécution et d'obsession envers sa famille, qui a été complètement guéri par les soins du professeur Barsanulfo.

    Lindolfo Fernandes était dentiste. Son fils, qui étudiait au Collège Allan Kardec, fut guéri par Euripide. Voici sa déposition :

    Il confirme que des personnes sont venues et viennent toujours de diverses régions pour se faire soigner par le professeur Euripide Barsanulfo, qui les reçoit gratuitement, tant pour les consultations que pour les médicaments. Il y a environ trois ans, l'un de ses fils était gravement malade à Uberaba, sans amélioration après cinq mois de traitement médical. Il s'adressa alors au professeur Euripide Barsanulfo qui le guérit complètement en un peu plus d'un mois. Il souffre depuis environ dix-huit ans de plusieurs lésions dont une plaie juste à coté du pavillon auriculaire sur le côté gauche de la face ; après plusieurs traitements inefficaces, il a eu recours au professeur Euripide Barsanulfo qui l'a guéri après environ six mois, par des médicaments internes et externes, et par des passes magnétiques. Le déposant a vu le professeur faire des pansements, des interventions chirurgicales et des réductions de fractures, et sait qu'il est intervenu dans plusieurs accouchements, toujours sous l'inspiration médiumnique du docteur Bezerra de Menezes.

    Lindolfo Fernandes fut le seul témoin interrogé une seconde fois, certainement à sa demande, car au lieu de la ville de Batatais, il avait cité Uberaba dans sa première déposition concernant la guérison de son fils, faite par Euripide à distance. Le dentiste profita donc de l'occasion pour mentionner d'autres faits. En voici quelques-uns annotés par le notaire :

    Il affirme que les traitements spirituels employés sont parfois réalisés au Collège Allan Kardec, assistés par les autres médiums du centre spirite présidé par professeur Euripide Barsanulfo. Les obsédés y sont soignés avec dévouement et, parmi les nombreux cas qu'il a connu à Uberaba, il y a celui de madame Maria Modesto, épouse du sergent Cravo, qui a été soignée ici et est retournée dans sa famille après vingt jours. L'un de ses fils a été soigné à distance lorsqu'il était à Batatais, et après avoir été déclaré inguérissable par les médecins, il a été guéri et fréquente maintenant le Collège Allan Kardec tenu par le professeur Euripide Barsanulfo depuis dix ans ; il sait, par ses propres observations, que le professeur Barsanulfo est médium et non pas médecin comme certains le prétendent, et qu'il fait tout par amour et charité comme un vrai apôtre du bien, obéissant exactement aux ordres du docteur Bezerra de Menezes. Il soignait des malades sur place, mais il y en avait beaucoup dans d'autres régions qui demandaient des médicaments par lettre en fournissant juste leur nom, leur âge et leur adresse. Beaucoup ont été guéris.

    Le troisième témoin fut Antônio Conçalves de Araujo, cordonnier et cousin d'Euripide. Ses fils étudiaient au Collège Allan Kardec.

    Il affirme qu'il y a environ dix ans, le professeur Barsanulfo, sous l'inspiration du docteur Bezerra de Menezes, déjà décédé, a traité plusieurs personnes de sa famille en administrant divers médicaments, à usage interne et externe, ainsi que des passes magnétiques, toujours gratuitement. Il sait que beaucoup de fous sont venus se faire soigner chez le professeur Barsanulfo et ont été guéris : le déposant a pris soin de plusieurs d'entre eux. Le professeur Barsanulfo est appelé pour assister à presque tous les accouchements dans la ville, et il les fait sous l'inspiration du docteur Bezerra de Menezes. Il a assisté à diverses interventions chirurgicales réalisées par le professeur Barsanulfo, y compris sur des personnes condamnées par les médecins.

    On peut observer que la préoccupation était de ne pas nier l'action du monde spirituel. Quelques-unes des vérités proclamées compromettaient même les déposants. Quel exemple de fidélité à Jésus !

    Le témoin suivant fut Azarias Arantes, dont j'ai déjà cité la guérison. Maximilien Claude Diamantino, fonctionnaire public, fut le cinquième et dernier témoin. Ceci ne figure pas dans les procès verbaux car on ne le lui avait pas demandé, mais il était catholique et fréquentait régulièrement la maison d'Euripide1.

    Il affirme que depuis huit ou dix ans, le professeur Euripide Barsanulfo pratique la médiumnité, inspiré, d'après lui, par le docteur Bezerra de Menezes déjà décédé, en prescrivant et en administrant des médicaments à toutes les personnes qui s'adressent à lui, sans percevoir aucune rémunération. Obéissant à l'esprit du docteur Bezerra de Menezes, le professeur a procédé à plusieurs interventions chirurgicales, et assisté les accouchées qui l'appellent. Dans toutes les opérations faites, beaucoup de succès ont été obtenus. Que le professeur Euripide Barsanulfo maintient un collège dans cette ville pour éduquer la jeunesse, et que de ce collège sont sortis la plupart des jeunes garçons et des jeunes filles préparés au cours primaire, ceux-ci n'étant pas incités par le professeur à suivre sa religion, mais celle qu'ils désiraient adopter.

    Ces dépositions montrent qu'Euripide agissait en tant que médium et que toute son activité était motivée uniquement et exclusivement par la charité. Mais les procès verbaux mentionnaient des interventions obstétriques, des chirurgies, des ordonnances. Le médium était donc parfaitement coupable selon le code pénal et personne, sinon lui même, ne pouvait prévoir qu'il ne serait ni condamné ni arrêté. C'est à cette époque qu'Euripide et Cairbar Schutel (une autre vie tout aussi lumineuse de l'histoire du Spiritisme !) échangeaient des correspondances de solidarité. Cette dernière ne lui fit d'ailleurs jamais défaut de la part du peuple : Il reçut des états de Sao Paulo et de Minas Gerais des milliers de lettres de consolation, et des bulletins et pétitions à sa faveur passaient de main en main. La dénonciation du président du Cercle Catholique d'Uberaba servit donc à augmenter la propagande de la Doctrine Spirite et à montrer combien Euripide Barsanulfo était aimé et respecté. Le Conseil Municipal de Sacramento, encore sous la présidence du colonel José Afonso de Almeida, rendit hommage au professeur Euripide une semaine après l'ouverture du procès criminel en insérant dans le compte-rendu du 29 octobre une note de tristesse en raison des événements (un seul conseiller municipal refusa de la signer). Des avocats proposèrent de défendre Euripide et de mener gratuitement un procès contre le médecin accusateur, et des personnes aisées mirent à la disposition du médium de grosses sommes d'argent. Mais Euripide, reconnaissant, refusa les offres. Son cas était suivi par les messagers de Jésus. Il devait donc prier et attendre la suite des événements.

    Le principal mouvement en faveur d'Euripide était concentré à Uberaba, d'où avait surgi la dénonciation. Ce livre devait mentionner, avec de grosses lettres, le nom du journaliste Jean Modesto dos Santos, qui mit le "Jornal do Triângulo", lui appartenant, au service de la défense d'Euripide. Voici comment le journal justifiait sa prise de position :

    Nous savons qu'Euripide Barsanulfo a confiance dans sa juste cause, nous savons qu'il sourit des diatribes et des invectives qui surgissent contre lui, nous savons que ce fait, émouvant pour toutes les consciences libres et qui est une question vitale pour la liberté de la pensée, ne le perturbe pas et ne modifie en rien sa vie quotidienne ; cependant, la presse se doit d'informer l'opinion publique, la presse prépare les grands événements, la presse est la tribune de défense des faibles et des opprimés, et donc, elle ne peut se taire devant cette conspiration contre la liberté des cultes, contre la liberté d'un jeune homme qui ne demande à la société que le droit de faire le bien.

    Il poursuit :

    Ce n'est pas un cas isolé que défend le "Jornal do Triângulo" : en entrant en lice, nous étions animés par la certitude de défendre un juste et de défendre un principe de base primordial et essentiel dans les démocraties.

    Ainsi :

    En défendant la cause d'Euripide Barsanulfo, transformé en symbole, on peut dire, comme Ihrring, que c'est le droit tout entier que l'on veut léser et nier dans son droit personnel, et c'est ce droit que nous voulons défendre et rétablir.

    Modesto dos Santos était un habitant d'Uberaba de grande valeur. Son journal, qui disputait les lecteurs avec "Lavoura et Comércio", fut victime de menaces. Il continua malgré tout sa campagne d'éclaircissement populaire, orientée par Lafayette Melo, Alceu de Souza Novaes, Robespierre de Melo, et par le professeur Jean Auguste Chaves, directeur du centre spirite d'Uberaba, cité dans la dénonciation du médecin Jean Teixeira Alvares.

    Le "Jornal do Triângulo" était la tribune des spirites et dans ses colonnes, d'innombrables anciens élèves du Collège Allan Kardec purent défendre leur maître Euripide. Il s'agissait de : Antônio Pinto Valada, Jerônimo Cândido Gomide, Homilton Wilson, W. Rodrigues Citan, Zenon Borges et Mariana de Campos Libanio.

    Les ténèbres agissant sur le président du Cercle Catholique d'Uberaba avaient gagné une bataille : le procès criminel. Toutefois, le monde spirituel allait entrer en action de façon surprenante : le médium n'allait pas être jugé !

    Deux jours après le recueil de la déposition d'Euripide Barsanulfo et des témoins recensés, les actes furent envoyés au docteur Júlio Bráulio Vilhena, Juge municipal de Sacramento, qui était catholique. Mais il se déclara ami de l'accusé et donc suspect pour se prononcer. Il détermina que le procès fût transmis à son remplaçant légal, le premier Juge de paix Adolfo Formin de Carvalho Paixao. Ce dernier jura lui aussi qu'il était suspect parce qu'il était le beau-frère du nouveau notaire du procès Itagyba José Cordeiro... Il ordonna que les actes soient remis à son remplaçant légal, le second Juge de paix José Saturnino Júlio da Silva, qui lui aussi jura qu'il était suspect : Il était beau-frère d'Euripide. Le procès n'avançait pas. Le notaire Itagyba José Cordeiro se confessa lui aussi suspect. Il annota dans le procès verbal les mots suivants, adressés au Juge municipal : "Je vous fais savoir que le jeune homme accusé dans ce procès, en plus d'être mon ami, a été mon collègue et plus récemment mon professeur et pour cela, je me considère suspect, ayant un intérêt particulier dans cette cause, je le jure", etc.. Le procès fut remis au troisième Juge de paix Francisco Motta qui, de façon inattendue, renonça à ses fonctions...

    Les actes passèrent de main en main et arrivèrent jusqu'au Juge Vespasiano Auguste, qui refusa l'accusation contre Euripide Barsanulfo en argumentant que les informations données par l'un des témoins étaient insuffisantes... Le procès retourna à Uberaba et revint quelques jours plus tard dans les mains de Vespasiano Auguste, qui refusa de nouveau de se prononcer. Enfin, le 8 mai 1918 le procès devint caduc ! La spiritualité avait vaincu les ténèbres.

    L'annulation du procès fut commémorée bruyamment à Sacramento. Aristógiton França, mari d'Arísia (soeur d'Euripide) vint de Conquista, acheta un cercueil et écrivit sur le couvercle : "Ci-gisent les restes mortels de Jean Pastelao." L'enterrement symbolique ne concernait donc pas le procès, mais le malheureux délateur Jean Teixeira Alvares, président du Cercle Catholique d'Uberaba... En vain, Euripide tenta d'éviter les excès. Les jeunes, fous de joie, firent défiler le cercueil dans la rue, suivis par le peuple, tirant des feux d'artifices et criant le nom d'Euripide.

    Cette soirée fut longue à Sacramento...

    Dans les archives de "Lavoura e Comércio", j'ai relevé que quelques mois plus tard, le docteur Jean Teixeira Alvares démissionna du Cercle Catholique. Le motif ne fut pas divulgué mais c'était certainement suite à des pressions, car le béat, dans son communiqué sur la première page2 avait fait la promesse suivante au peuple d'Uberaba :

    Je me retire pour une vie privée, et ne me mêlerai plus jamais des problèmes de ce diocèse.


    1 Information du couple Edalides Milan et José Rezende da Cunha.


    2 "Lavoura e Comércio" du premier novembre 1918.